Article original écrit par Rezwan, publié en anglais sur Global Voices et traduit en français par Charlène Brault
Dans de nombreuses cultures et sociétés à travers le monde, les menstruations sont stigmatisées. Les filles des pays en développement peuvent manquer jusqu’à une semaine d’école ou de travail chaque mois en raison du manque de produits hygiéniques, d’équipements inadaptés et de la honte associée aux règles.
Les lacunes en matière d’éducation et le manque d’hygiène pendant les menstruations peuvent également entraîner des désagréments, des éruptions cutanées et des infections.
Toutefois, au Bangladesh, en Inde et au Népal, de nombreux efforts sont déployés pour rendre les serviettes hygiéniques accessibles et abordables aux femmes de ces pays.
Le message diffusé au Bangladesh
Au Bangladesh, les serviettes hygiéniques disponibles sur le marché sont coûteuses. Celles fabriquées à l’étranger coûtent plus de 120 takas bangladais (1,50 $ US), en raison d’une taxe supplémentaire imposée sur les importations.
Joya, une marque fabriquée localement, dont les huit serviettes coûtent 60 takas (0,75 $ US), ne suffit pas, selon la blogueuse et militante Marzia Prova :
Après avoir vu les publicités tant vantées, j’ai commencé à utiliser « Joya » avec l’élan que je loue aux produits locaux. […] J’ai constaté que l’adhésif de cette serviette n’est pas adapté. Celle-ci ne colle donc pas aux sous-vêtements et a tendance à se déplacer. Son revêtement est très rugueux, j’ai eu des rougeurs sur la cuisse en seulement trois jours.
Dans notre pays, il doit y avoir 50 millions de femmes qui ont leurs règles. Mais seuls deux ou trois produits hygiéniques féminins sont « fabriqués au Bangladesh » et leur qualité n’est pas à la hauteur ! De qui est-ce la négligence ? Nous voyons des campagnes à travers tout le pays pour sensibiliser les femmes à l’utilisation de serviettes hygiéniques, mais il n’existe aucune serviette abordable et de bonne qualité dans le pays. On dirait que cela n’intéresse personne de fournir des serviettes gratuites ou abordables aux femmes de ce pays.
Il existe toutefois des gens qui font quelque chose à ce sujet. Les filles d’un centre d’accueil de Dhaka, géré par l’ONG Aparajeyo-Bangladesh, fabriquent leurs propres serviettes à la main, pour un coût de seulement 4,50 takas (0,06 $ US).
L’organisation offre un abri à ces filles au passé violent ou tragique, les forme et les réinsère pour qu’elles puissent aller à l’école ou travailler dans différents ateliers de confection ou salons de beauté. Dans une interview accordée à Feminism Bangla, un blog féministe, la directrice générale de l’organisation, Wahida Banu, a expliqué son rêve de commercialiser le produit :
Aparajeyo-Bangladesh travaille avec des enfants de la rue. Nous enseignons à chaque enfant la santé reproductive, le VIH, etc. Nous leur disons de changer de serviettes toutes les trois à six heures. Lorsqu’elles vont dans une école ordinaire, elles transmettent ces connaissances aux autres enfants, même les enseignants ne leur apprennent pas cela. […]
Nos filles en parlent à leurs amies de classe, et ces dernières s’y intéressent à leur tour. Alors, elles viennent à nous en disant que leurs amies veulent des serviettes. Nous avons reçu une offre de la part de personnes qui sont prêtes à nous aider à acheter les matières premières en lot : une tonne de coton ou une tonne d’élastiques en caoutchouc. Lorsque nous pouvons les acheter en lots, le coût est plus faible. Je souhaite produire des serviettes hygiéniques qui coûtent 4 ou 5 takas avant ma mort.
Une « révolution » en Inde et au Népal
Au Népal, il existe un certain nombre de projets de serviettes menstruelles qui forment les femmes locales à la couture de kits de protections menstruelles. L’un des problèmes majeurs de l’utilisation des méthodes traditionnelles est de laver les linges menstruels pour les réutiliser et de les sécher de manière hygiénique sans les exposer. Des élèves du Art Center College of Design en Californie ont fabriqué un outil économique et facile à utiliser pour laver et sécher les linges hygiéniques réutilisables.
En Inde, Arunachalam Muruganantham, un entrepreneur social, issu d’une famille pauvre du sud de l’Inde et qui a abandonné ses études, a « révolutionné » la santé menstruelle des femmes rurales en inventant une machine simple pour fabriquer des serviettes hygiéniques bon marché. Ses machines ont été installées dans plus de 1 300 villages dans 23 des 29 États de l’Inde. Une machine manuelle coûte environ 75 000 roupies indiennes (1 100 $ US) et peut offrir un emploi à 10 personnes. La machine peut produire jusqu’à 250 serviettes par jour, ce qui revient à environ 2,5 roupies (0,04 $ US) chacune.
Selon une enquête réalisée en 2011 par AC Nielsen, seulement 12 % des 355 millions de femmes indiennes ayant leurs règles – contre 88 % au Japon, 64 % en Chine et près de 100 % à Singapour – utilisent des serviettes hygiéniques, 70 % des femmes affirmant que leur famille n’a pas les moyens d’en acheter. Les autres recourent à des alternatives non hygiéniques, comme des vêtements non désinfectés en coton, parfois associés à des cendres et des résidus de sable.
Muruganantham, qui a été reconnu en 2014 parmi les 100 personnes les plus influentes du monde par le Time Magazine, a partagé dans une conférence Ted comment il a commencé son mouvement pour les serviettes hygiéniques en Inde.
Sa machine aurait été reproduite en Jordanie pour aider les réfugiées syriennes.
L’impact sur l’environnement
Inspirées par Muruganantham, de plus en plus d’entreprises sociales ont été lancées en Inde pour fabriquer des serviettes hygiéniques moins chères. Cependant, les critiques disent également que se concentrer sur les serviettes hygiéniques et ignorer les linges traditionnellement utilisés pour l’hygiène menstruelle n’est pas durable. Sinu Joseph, une éducatrice en santé menstruelle en Inde, commente :
L’hypocrisie est telle que des organisations étrangères faisant valoir la nécessité d’introduire des serviettes hygiéniques en Inde en affirmant que 88 % des femmes indiennes utilisent des linges font la promotion de serviettes en tissu et de coupes menstruelles réutilisables dans leur propre pays, en invoquant des raisons environnementales. Si c’est le cas, alors l’Inde est très en avance sur le reste du monde en matière de respect de l’environnement. […]
Ce dont nous avons besoin c’est d’une solution simple de communication d’informations dans les écoles et les communautés sur le maintien de l’hygiène menstruelle, que ce soit avec des linges ou des serviettes. Et laisser aux femmes le soin de décider ce qu’elles souhaitent utiliser.
Enfin, il se pose la question de l’élimination des serviettes. C’est en pensant à l’élimination des serviettes hygiéniques que Kathy Walkling s’est lancée dans la fabrication de serviettes hygiéniques biodégradables en tissu, au sein du groupe indien Ecofemme, composé uniquement de femmes, qui produit et exporte des serviettes en tissu issues du commerce équitable depuis l’Inde vers 14 pays dans le monde. D’autres organisations en Inde ont commencé à produire des serviettes compostables bon marché comme Azadi pad et Anandi pad.
La santé et l’hygiène menstruelles ne sont pas qu’une question de femmes. Si une grande partie de la population est freinée par un problème souvent ignoré, cela affecte l’ensemble de la population. Si seulement les décideurs politiques pouvaient reconnaître et accepter cette vérité.